La pluie avant qu'elle tombe

Jonathan COE

Une vieille dame, Rosamond, laisse, avant de se suicider, vingt photographies et quatre cassettes audio destinées à une petite cousine aveugle qu’elle a très peu connue et qui est, pour elle, la "juste, belle et inévitable" conclusion de drames, d’injustices, d’incompréhensions, de manipulations, de désamour.

Une histoire qui tourne en boucle, où le présent renvoie au passé en une « suite inéluctable ».

Rosamond décrit très précisément chaque photo en insistant d’abord sur les lieux, la maison familiale, une plage au bord d’un lac, une caravane ; mais aussi sur les moments, un anniversaire, une remise de diplômes, un dîner de Noël, autant d’instantanés où la plupart du temps tout le monde sourit ce qui fait écrire à Coe que « c’est même pour ça qu’il ne faut jamais faire confiance aux photographies ».

Au-delà de la première émotion, de la première évidence que suscite ce patchwork de moments éphémères, la vieille dame en donne le sens caché.

La beauté de ce mélodrame se révèle par le style, les incidentes sur un caractère, un détail qui sera déterminant par la suite, le choix des mots, le rythme, tel celui de ces « Chants d’Auvergne » de Canteloube qui sont l’empreinte musicale du roman.

Cette histoire de femmes où « l’ordre naturel des choses, c’est le chaos et l’aléatoire » s’inscrit sur quatre générations et en décrit le malheur « au-delà de toute consolation » et aussi l’air du temps : le blitz de la guerre qu’accompagnent la première déchirure et le premier amour, les années d’après guerre et la grande passion de Rosamond pour Rebecca avec ce que ceci entraîne, à l’époque, de gène et de réprobation. Le temps qui passe, les visages qui disparaissent d’une photo l’autre, morts ou oubliés.

C’est une belle promenade méditative, sombre, un peu grave, dans des secrets de famille où l’indifférence est la plus grande méchanceté et où on a oublié « qu’une chose n’a pas besoin d’exister pour rendre les gens heureux », comme l’inexistence de« la pluie avant qu’elle tombe » qui peut devenir désespoir si elle tombe.

Référence :

  • Jonathan Coe
  • La pluie avant qu'elle tombe
  • Traduit de l'anglais par Serge et Jamila Chauvin
  • Gallimard  2009

Poster un commentaire